Une physiothérapeute extraordinaire!
… A l’époque de Françoise Mézières, la kinésithérapie est naissante. Elle est le fruit de la Seconde Guerre mondiale et de l’épidémie de poliomyélite. La rééducation à cette époque est donc dominée par le renforcement musculaire des grands blessés et des paralysés. Les dysfonctions sont associées à un manque de force des muscles à résister à la gravité. Au printemps 1947, Françoise Mézières fait son observation princeps [1] [2]. Elle allonge une patiente avec une grande cyphose dorsale. En appuyant sur les épaules pour les dérouler, elle voit les lombaires se creuser. Pour protéger cette zone, elle replie les genoux de la patiente sur sa poitrine mais c’est la tête qui bascule en arrière. Lorsqu’elle demande à la patiente de plaquer ses lombaires et d’allonger la nuque, elle fléchit les genoux et se bloque en position inspiratoire. Cette patiente ne souffre donc pas d’un manque de force dans les dorsaux. Ses muscles sont en pratique trop forts et trop courts…
Observation princeps
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« Lorsqu’un fastueux matin de printemps 1947, nous vîmes entrer dans notre cabinet une patiente présentant une superbe “cyphose”, nous étions bien loin de nous douter que notre profession et le sort de légion de malades allaient être changés. Il s’agissait d’un sujet longiligne, très grande et maigre. Un corset de cuir et fer avait causé, non l’enraiement attendu des progrès, décidément inexorables, de son mal, mais des ecchymoses sur les hanches et autour des épaules, et encore sept vertèbres étaient à vif ainsi que l’angle inférieur des omoplates. Mais la malade ne s’en plaignait pas et elle venait parce qu’elle ne pouvait plus lever les bras ni travailler. Nous essayâmes, naturellement, les exercices de ” redressement ” et le travail des dorsaux en vue de fortifier les ” extenseurs ” du dos, mais la raideur était telle que rien n’était possible. Étendant alors notre malade à terre, en décubitus dorsal, nous appuyâmes sur les épaules et nous vîmes, à notre stupéfaction, se produire une énorme lordose lombaire alors que, examinée debout, la malade ne présentait absolument qu’une cyphose dorsale. Pour éviter d’ajouter un mal à celui qui existait déjà, nous basculâmes le bassin en arrière en amenant les genoux sur l’abdomen et, à notre nouvelle stupeur, nous vîmes l’hyperlordose lombaire ainsi effacée se reporter à la nuque, la tête se renversant en arrière sans qu’il fût possible de ramener le menton près du cou»
« La porte sur la vérité était, devant nous, grande ouverte mais nous refusions de nous y engager et, doutant de nos yeux, nous renouvelâmes plusieurs fois l’expérience et, finalement, devant une consœur »
« Notre observation princeps était si inattendue, les faits constatés si surprenants pour un praticien pétri de théories orthodoxes, si admiratif envers ses maîtres qu’il tenait, jusque-là, pour de vrais savants, qu’il n’en voulut pas croire ses yeux. Mais l’insolente vérité était si évidente qu’il chercha alors, désespérément, à y voir une exception qui aurait confirmé la sacro-sainte règle. Il fallut se résigner au sacrilège et reconsidérer les bases de l’orthodoxie. Restait à dégager les lois de cette physiologie absolument méconnue, en découvrir les mécanismes. Alors succédèrent aux affres de l’apostasie les délices de l’hérésie. C’est en effet une ineffable joie que de vérifier à chaque instant, et de mille façons, le bien-fondé d’une théorie, telle qu’elle explique lumineusement les causes de tous les dysmorphismes et sur quoi peut être édifiée une technique à coup sûr curative. »
Dans les années qui suivent, elle vérifie que son observation princeps a valeur scientifique, c’est-à-dire qu’elle se reproduit immanquablement dans les mêmes conditions d’expérimentation. Aucune étude scientifique n’est cependant parue sur le sujet. En 1949, elle publie « Révolution en gymnastique orthopédique », un article fondateur qui reçoit un accueil mitigé, pour ne pas dire franchement hostile, de la part du monde médical français. Elle quitte la rue Cujas et s’installe en libéral pour mettre en pratique ses principes et continuer sa recherche. Ce n’est que bien plus tard, en 1984, qu’elle énoncera les 6 lois qui expliquent les phénomènes observés lors de l’observation princeps de 1947. Elle élabore une méthode qui, bien que balbutiante, est déjà à ses yeux, plus efficace que les techniques classiques qu’elle enseignait elle-même peu de temps auparavant. Faute de mieux, elle donne son propre nom à sa méthode naissante.
Les lois fondamentales
- Première loi : Les nombreux muscles postérieurs se comportent comme un seul et même muscle ;
- deuxième loi : les muscles des chaînes sont trop forts et trop courts ;
- troisième loi : toute action localisée, aussi bien élongation que raccourcissement, provoque instantanément le raccourcissement de l’ensemble du système ;
- quatrième loi : Toute opposition à ce raccourcissement provoque instantanément des latéro-flexions et des rotations du rachis et des membres ;
- cinquième loi : la rotation des membres due à l’hypertonie des chaînes s’effectue toujours en dedans ;
- sixième loi : toute élongation, détorsion, douleur, tout effort implique instantanément le blocage respiratoire en inspiration.
Explication des lois fondamentales
De l’analytique à l’intégral
La médecine et la kinésithérapie assimilent la colonne vertébrale à un mât de navire avec ses haubans, représentés par les muscles. Selon ce modèle : si le mât n’est pas d’équerre, il faut retendre les haubans. C’est le socle conceptuel de la gymnastique médicale classique que Mézières considère comme une doctrine. Pour elle, ce modèle est erroné.
1er:
Elle invite à considérer l’individu comme écrasé par sa propre force, ses propres haubans, trop courts. Bien que nombreux, les muscles de l’arrière du corps (les haubans) se comportent comme un seul et même muscle, tendu du crâne jusqu’au bout des orteils et des doigts. Pour elle, le modèle de la poupée sur lequel est fondé toute la kinésithérapie moderne est inadapté. Sur une poupée, on peut faire bouger indépendamment un membre ou un autre, sans répercussion sur le reste du corps. Ce n’est pas ce que l’on constate sur le corps humain. C’est le modèle de la poupée que la première loi bat en brèche. Mézières le remplace par le modèle du pantin dans lequel un système de ficelles relie les membres entre eux et aussi au tronc.
2eme:
La deuxième loi indique que ladite ficelle est loin d’être trop faible ou détendue. Elle est trop courte et trop forte. Et donc, il n’est pas possible de mobiliser un segment sans que l’ensemble du système soit impliqué. C’est l’apparition de la notion d’intégralité. On ne peut plus prétendre soigner une partie sans prendre le tout en considération.
3eme:
La troisième loi exprime la condamnation du principe analytique, chère à la kinésithérapie. Mézières n’y voit qu’une dérisoire tentative de saucissonnage du corps.
De l’hypothétique faiblesse au vrai raccourcissement
4eme:
La quatrième loi propose une explication pour les déformations tridimensionnelles comme la fameuse scoliose idiopathique. Elle serait due, non pas à une faiblesse des muscles érecteurs rachidiens (qui pour elle n’existent pas !), mais à un raccourcissement des muscles qui sous-tendent la colonne vertébrale, la vrillant de ce fait à la manière d’un escalier en colimaçon.
5eme:
Quant à la cinquième loi, elle intègre les membres au processus général de déformation.
6eme:
La sixième loi met l’accent sur l’importance de la respiration pendant les séances de rééducation.
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